Société médicale d’Indre-et-Loire, comité de vaccine et dépôt de vaccin

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Voir par ailleurs Conservation du vaccin à l’état fluide et Vaccin animal de conserve en pulpe glycérinée et Conservation au froid et frigorifiques et Conservation du vaccin à l’état sec et L’institut vaccinal de Tours: le vaccin du Dr Chaumier

 »’Société médicale d’Indre-et-Loire et comité de vaccine »’

L’introduction du vaccin en Indre-et-Loire est due au Dr Bouriat, secrétaire de la société médicale de d’Indre-et-Loire. Cette société savante est fondée le 1er pluviôse de l’an IX (21 janvier 1801). Selon certains auteurs, tel que Charcellay, cette Société aurait été légalement instituée le 19 janvier 1801.

La Société médicale d’Indre-et-Loire est créée par des médecins, pharmaciens, et autres membres du corps médical dans le but de s’occuper de santé publique. Elle a pour devise : «  »Lex nostra, publica salus » » ce qui signifie : « Le salut public est notre loi ». Elle est alors composée de Jacques Sébastien Bruneau, médecin, président, Jean Origet, médecin à l’hôtel-Dieu, viceprésident, et Bernard Félix Bouriat, médecin, secrétaire. Parmi les autres membres figurent aussi Jean Baptiste Duperron, médecin à l’hôtel-Dieu et Louis Tonnellé, officier de santé ainsi que Jean Anthyme Margueron, pharmacien à Tours. Elle ne comporte pas plus de 20 membres.

Cette Société se réunit le 1er de chaque mois mais des séances supplémentaires sont parfois nécessaires. Elle correspond avec les diverses sociétés savantes et membres du corps médical. Les dépenses sont supportées par les membres résidants. La Société médicale d’Indre-et-Loire comporte un comité de permanence, faisant des réponses rapides aux différentes demandes et d’un comité de bienfaisance, aidant gratuitement par ses conseils les malades et vaccinant contre la variole. Ses rôles sont divers et variés mais convergent tous vers le même but : contribuer à la santé publique. Elle effectue et publie des travaux de recherche sur les maladies affectant les habitants du département. Via sa Commission d’hygiène, la Société médicale d’Indre-et-Loire étudie les foyers d’infection et grâce à son bureau météorologique, elle confronte les informations climatiques avec les mouvements épidémiques. Elle diffuse aussi l’information concernant les méthodes de vaccination et l’instruction du corps médical. La Société médicale d’Indre-et-Loire n’hésite pas à reconnaître les bienfaits de la vaccine et contribue très activement à la propagation de cette découverte. Vers l’année 1802, elle eut l’honneur d’inscrire le nom de Jenner sur la liste de ses membres correspondants étrangers.

Le 22 ventôse (13 mars 1801), la société médicale d’Indre-et-Loire charge le Dr Bouriat de faire un rapport sur la vaccine. Peu après, accompagné d’enfants de l’hospice, il va à Blois, d’où il rapporte le vaccin. Le 30 ventôse (21 mars 1801), il vaccine cinq enfants. Dans son rapport du 2 germinal (soit du 23 mars 1801), il propose de généraliser la vaccination en la démocratisant : les parents riches devront payer les opérations pour les enfants pauvres. Cette proposition est aussitôt accueillie par les membres de la Société médicale. Le 2 germinal (23 mars 1801) ont lieu les premières expériences publiques de vaccination, qui se répètent ensuite de semaine en semaine

Malgré les tous premiers essais infructueux de la vaccination en France, des comités pour la propagation de la vaccine sont créés à Paris et en Province. Le 1er floréal an IX (soit le 21 avril 1801), la Société médicale de Tours constitue en son sein un comité de vaccine. Plus tard, elle prendra le nom de commission de vaccine afin d’éviter les confusions avec l’institution préfectorale du même nom. La Société dote alors son comité d’un crédit de 600 francs et clame le monopole des vaccinations. Ce comité d’action contre la variole prend la résolution que «  »la découverte nouvelle ne tournera pas au profit particulier des membres qui en étudieront l’usage ; que si des personnes aisées doivent verser une somme proportionnée à leurs moyens d’existence avant de se faire vacciner, les fonds en provenant ne pourront être retenus sous aucun prétexte par aucun de ses membres ou par la Société elle-même mais seront employés au soutien des indigents qui se soumettront au vaccin » ». Cet acte montre le dévouement et le désintéressement des médecins tourangeaux de 1801 alors que bon nombre considère la vaccination comme un acte médical tarifié. Le comité de la vaccine, fort de ses « Instructions sur la vaccine » rédigées par le Dr Bouriat, s’engage à entretenir le vaccin, à vacciner tant en public que chez les particuliers, à effectuer les vérifications post-vaccinatoires nécessaires, à diffuser les instructions auprès des chirurgiens du département. Il envisage de s’accorder à lui-même le monopole des vaccinations et de la formation des vaccinateurs, parmi lesquels, outre les médecins de la Société, on trouve quelques sages-femmes, des propriétaires éclairés et quelques maires. Ces instructions sur la vaccination et les effets du vaccin seront réimprimées par le Comité central de vaccine (créé en 1804). . Il est nécessaire de recueillir le vaccin sur le vaccinifère à des périodes bien déterminées afin qu’il soit le plus efficace possible. Ainsi, Bouriat le relate dans «  »De la vaccination et des effets du vaccin » » : le Comité de Paris dit de le prendre du 8ème au 9ème jour et la Société médicale de Tours l’emploie au commencement du 8ème jour.

Malgré ces efforts et l’enthousiasme des vaccinateurs, le corps médical reste réticent : immunité non durable (nécessité des revaccinations ?), effets secondaires possibles, altération de la qualité du vaccin devenant moins efficace du fait des transmissions successives de bras-à-bras…. Selon Charcellay : «  »on ne saurait douter que le meilleur vaccin, après des transmissions fort longtemps continuées, ne jouit plus exactement du même degré de vigueur qu’au moment des premières inoculations qu’il a fournies » ». La pratique de la vaccination se développe alors lentement en Touraine, comme dans toute la France, malgré les efforts acharnés de Bouriat à travers la Société médicale d’Indre-et-Loire :
«  »Les personnes qui auront des doutes sur la qualité de leur vaccine, pourront se présenter au musée, les jours de vaccination ; la Société réunie se fera un plaisir de leur faire connaître la vérité. Tous les officiers de santé du département sont invités à communiquer à la Société les faits qui leur paraîtront extraordinaires, et à en donner les détails les mieux circonstanciés : ils peuvent compter sur l’exactitude de la Société à leur répondre ». » (« » De la vaccination et des effets du vaccin » » )

La Société médicale de Tours a alors pour volonté de généraliser la pratique de la vaccination, volonté acharnée remise en évidence par le Dr Edmond Chaumier, lors du centenaire de Jenner à l’Académie de Médecine :
« » Mes chers collègues,
Vous avez bien voulu me charger de représenter la Société médicale d’Indre-et-Loire aux fêtes du centenaire de Jenner.
L’Académie de Médecine avait tenu à nous inviter, parce qu’elle savait que, dès la découverte de l’illustre médecin anglais, notre Société avait fait l’impossible pour en faire bénéficier les Tourangeaux, et avait nommé Jenner son Membre correspondant. » » (Gazette Médicale du Centre : Le centenaire de Jenner à l’Académie de médecine, par Edmond Chaumier, communication à la Société Médicale d’Indre-et-Loire, séance du 3 février 1923)

Le 6 janvier 1801, la Société achète une vache de quatre ans et la vaccine par une piqûre au sommet de chaque trayon. Les raisons de cet achat ne sont pas explicitées et restent obscures. Pense-t-il ainsi se procurer une source inépuisable de vaccin ? Cela est fort peu probable car la production de vaccine animale nécessiterait l’inoculation du virus de semaine en semaine à de nouvelles vaches vaccinifères tout comme le vaccin reproduit sur l’homme par la transmission de bras-à-bras. Pour constituer une réserve de vaccin animal, il aurait donc fallu avoir un troupeau à disposition. La société procède donc à la vaccination de cette vache mais le 20 juin 1801, l’examen de la vache ne montre que des croûtes de fausses vaccines. On la revaccine plus tard mais toujours en vain. C’est un échec. La Société médicale revend donc cette vache pour en acheter une autre le 18 juillet. Cette nouvelle vache vaccinée développe, quant à elle, de beaux boutons vaccinaux, ce qui permet de vacciner 10 enfants au bras gauche. Ils sont aussi vaccinés au bras droit mais grâce à un vaccinifère humain. Le 1 août, l’examen de cette double vaccination n’indique rien de particulier ni de supériorité visible d’un mode de vaccination sur l’autre. On n’entendra plus alors parler de la vache.

Les comités de vaccine, aussi bien en Indre-et-Loire que dans le reste de la France, pratiquent des contre-épreuves afin de prouver l’efficacité de la pratique vaccinale et de renforcer la conviction de la population sur les bienfaits de la vaccination. Deux types de contre-épreuves sont réalisés :

-la cohabitation forcée des vaccinés avec des varioleux

-l’inoculation de la variole à des vaccinés

Au mois de prairial de l’an X (mai 1802), le Conseil général d’Indre-et-Loire décide de seconder les efforts de la Société médicale de Tours. Il propose alors que les 600 francs consentis par les médecins pour la propagation de la vaccine soient désormais à la charge des crédits départementaux. Mais, le préfet refuse cette proposition de subvention ce qui est perçu comme un coup bas par la Société médicale. Ses responsables, principalement le Dr Bouriat, après avoir tant fait pour emporter l’adhésion des notables, propager la vaccine chez les plus humbles, entretenir le vaccin sur place, et même en fournir aux départements voisins, semblent après 1803 s’ingénier à contrecarrer les initiatives préfectorales. En effet, entre temps, le pouvoir central s’est manifesté, incitant les préfets à encourager activement les progrès de la vaccine dans leurs départements respectifs.

Par une circulaire du 4 avril 1804, Chaptal, ministre de l’intérieur, précise les modalités du développement de l’inoculation de la vaccine et fait de la généralisation du vaccin une affaire d’Etat : « vacciner les enfants de la patrie et […] de manière plus générale vacciner gratuitement les pauvres » (Circulaire de 1804). Il veut ainsi « (…) faire naître, (…) multiplier sous les yeux du peuple les occasions de juger des avantages de cette pratique (…) ». Chaptal, via cette circulaire, met en avant sa volonté de généraliser la vaccination, de sensibiliser la population à cette pratique et il prévoit également de souligner les succès de la vaccination en renforçant la publicité à cet égard. Cette circulaire précise aussi la création de comités de vaccine départementaux afin d’entretenir le fluide vaccin et donc de servir de « conserve de vaccin ». En effet, peu de temps après soit le 12 avril 1804, le préfet envisage la création d’un comité de vaccine. La Société médicale d’Indre-et-Loire, qui avait jusqu’alors œuvrée durant 4 ans à l’entretien de la vaccination, prend cette proposition comme un affront, comme une manifestation de mépris à l’égard de son action et de son propre comité. Ses membres envisagent alors une démission collective. Malgré la polémique engendrée et outre les critiques de la Société médicale de Tours, le Comité de vaccine est créé le 11 floréal an XIII (soit le 1er mai 1805). Il a pour but de répandre massivement la pratique de la vaccination. A la même époque, Napoléon rend obligatoire la vaccination dans l’armée pour les recrues n’ayant pas encore eu la variole. Le Comité de vaccine de Tours comprend treize personnes :

-sept médecins

-deux magistrats

-un curé

-le maire de Tours

-un conseiller de préfecture

Il est présidé par le préfet, mais la Société médicale y est, tout de même bien représentée : elle compte quatre de ses membres au Comité préfectoral. Parmi eux, se trouvent le Dr Bruneau et le Dr Bouriat, ce dernier étant secrétaire du Comité.
Mais malgré cela, un climat antipathique et plein d’hostilité règne au sein du comité de vaccine de Tours. Ce climat tendu serait-il à l’origine du travail peu efficace du comité ? En effet, « contrairement aux espoirs mis en lui, le Comité de vaccine de Tours fut bien peu actif ». Ceci n’est pas étonnant puisque le préfet a ainsi fait siéger ensemble dans la même assemblée des ennemis: Bouriat et Veau-Delaunay. Ce dernier quitte Tours pour Reims en 1809. Peut-être n’est-ce qu’une coïncidence…mais, c’est à partir de ce moment là que les opérations de vaccination reprennent de l’importance en Indre-et-Loire. Cependant, ne voyons pas que le côté négatif des conflits au sein du comité ! Ce comité de vaccine a permis également d’inciter la création d’au moins quatre autres comités dans le département : Amboise, Bourgueil, Chinon et Loches. Ces comités contribuèrent, plus efficacement que la Société médicale y avait fait jusque là, à répandre la vaccination dans les campagnes via des chirurgiens et des officiers de santé qui en faisaient partie.

A Châteauroux, dans l’Indre, les essais d’introduction et d’acclimatation du vaccin sont difficiles. Ce n’est qu’en 1806 que les vaccinateurs savent enfin entretenir le vaccin sur place et encore, ceci n’est que provisoire puisqu’en 1808, alors que la variole sévit, nul ne peut fournir de vaccin dans la ville.

Néanmoins, le principal obstacle à la généralisation de la vaccination est la conservation et le transport de la lymphe vaccinale, appelée « fluide vaccin ». En effet, la transmission de bras-à-bras puis ensuite de génisse-à-bras (vaccination animale introduite en France en 1864 par Chambon, Lanoix et St Yves-Ménard) présente des limites ! Il n’est rien que de plus contraignant que de se « ballader » avec un enfant ou un animal afin de répandre la vaccination !!! Problématique dont le comité Central de vaccine de Husson est chargé. En 1803, parallèlement à des expériences de fabrication de thermomètres à mercure, Bretonneau invente « un nouveau procédé (…) pour conserver et transmettre le vaccin » : les tubes capillaires, dits « tubes Bretonneau » permettant de conserver le vaccin à l’état fluide. L’histoire de ces tubes, leur fonctionnementsont détaillés dans: Conservation du vaccin à l’état fluide : les tubes « Bretonneau ».

La création de ses tubes capillaires cachetés lui valu, lors de la séance du 12 juin 1806, une médaille d’encouragement décernée par le Comité central de vaccine de Paris qui adopte les tubes Bretonneau.
« J’ai reçu hier soir, écrit Bretonneau à son ami Cloquet, une lettre du Secrétaire de la Société Centrale de vaccine qui m’annonce l’envoi de la médaille, elle doit m’être remise par notre Préfet. »
La diffusion des tubes Bretonneau n’est pas connue avec exactitude mais, dès le début de 1806 au moins, le Comité central de vaccine à Paris utilise des tubes de verre pour conserver et expédier le vaccin en province. En Indre-et-Loire, leur utilisation se généralise après 1810.

Malgré la création de comité et l’invention de tubes pour propager le fluide vaccin, la variole sévit toujours en Touraine ce qui alarme les préfets.

 »’Dépôt de vaccin »’

Un décret du 7 novembre 1809 accorde à la ville de Tours un des 25 dépôts de vaccin créés en France. En 1810, Tours est choisi comme dépôt de vaccin, établi officiellement par le préfet le 23 juin. Le Comité central de vaccine d’Indre-et-Loire devient alors l’un des 25 dépôts de vaccin français renforçant encore plus le rôle de santé publique de la Touraine. Charles Varin en est alors nommé le directeur. Dans l’article 133 («  »Correspondance administrative du département d’Indre-et-Loire » », 1811), le préfet du département Baron Lambert fait part aux Tourangeaux des vaccinations gratuites qui ont lieu au dépôt de vaccin. Il met aussi en évidence le rôle de Varin et sa volonté de généraliser une vaccination de qualité :
«  »M.Varin invite les personnes à qui il fait passer du vaccin, à l’informer du résultat de son emploi. Il invite également ceux qui s’occupent de la vaccination, à lui adresser, chaque trimestre, la liste des individus qu’ils auront vaccinés et les observations qu’ils auront pu recueillir. Il en fera mention dans le compte qui doit être rendu par lui, tous les trois mois, au comité de vaccine, et transmis, par M. le Préfet, à son Exc. Le Ministre de l’intérieur. » »

Afin de promouvoir la généralisation de la vaccination dans le but d’éradiquer la variole, le comte de Kergariou, nommé préfet en 1812, rédige l’avis suivant à destination des parents, parrains et marraines:
«  »Dès le moment où les enfants sont présentés pour être inscrits sur les registres de l’état civil, ou pour être baptisés ; en conséquence j’engage MM. les maires et adjoints, ainsi que MM. les curés et desservants, à leur lire l’avis inséré ci-après, et à le faire transcrire sur la première page de tous les registres de naissance, en rappelant que S.M. le roi de Rome a été vacciné. Un tel exemple doit suffire pour convaincre les plus incrédules. Qui pourrait penser, en effet que l’Empereur et la Nation eussent vu sans inquiétude l’emploi de cette mesure, si l’on n’eût été persuadé que loin de compromettre la santé d’un enfant qu’attendent de si hautes destinées, c’était un moyen de plus de les conserver à la tendresse de ses augustes parents et à l’amour des peuples. » »

Dans sa circulaire du 4 février 1814, le Préfet se félicite de voir que «  »le département figure avec avantage parmi ceux qui ont été signalés à l’Empire comme les plus empressés à s’approprier les bienfaits de la vaccine. (…) Varin à Tours, Bretonneau à Chenonceaux, Pérard, maire de Lignières, Gros à Candes, ont été nommés au rang des hommes de l’art qui se sont livrés avec le plus de succès à la pratique de la nouvelle méthode dans le cours de ladite année » ». Peu à peu, la pratique de la vaccination commence à se propager.

Le dépôt de vaccin est dirigé jusqu’en septembre 1814, date de sa mort, par le docteur Charles Varin. Il est aussi médecin chef à l’hôpital de Tours et membre de la Société médicale. C’est alors que la situation se complique. De nombreuses compétitions surgissent afin de reprendre la place du conservateur de dépôt de vaccine Varinmédecin Duperron et des membres de la Société médicale dont Bouriat, Leclerc ou même Tonnellé. Mais, le nouveau préfet Kergariou a d’autres candidats à proposer que ceux que la Commission s’était décidée de choisir. L’un deux est, bien sûr, Pierre-Fidèle Bretonneau, simple officier de santé exerçant à Chenonceaux, recommandé par le comte René de Villeneuve au Préfet. M. de Kergariou s’était, en fait, pris d’amitié pour le modeste officier de santé Bretonneau qui, de plus, avait guéri sa femme. Dès lors, le préfet avait eu l’idée d’attirer Bretonneau à Tours, de l’inciter à obtenir le grade de docteur et ainsi de le placer à la tête du grand hôpital de cette ville. De plus, de part l’invention des tubes capillaires de conservation du vaccin que l’Académie s’était empressé d’accepter, cela accordait des droits à Bretonneau sur le dépôt de vaccin.

Le 30 novembre 1814, Pierre-Fidèle Bretonneau écrit à sa femme : «  »Je viens de recevoir le plus aimable accueil de Husson, un de mes anciens camarades. La nomination du conservateur du dépôt de vaccin de Tours dépend de lui, et il m’a donné l’assurance que si jamais je me décidais à aller à Tours, je pourrais compter… » ». Husson, ami de Bretonneau, est alors secrétaire du comité de vaccine.
« J’ai vu ce matin M.Chaptal (Chaptal est le grand ministre de Napoléon Ier et l’ami de Bretonneau), écrit Bretonneau à sa femme le 6 décembre 1814, et j’en ai reçu l’accueil le plus aimable. J’ai appris que Dupéron était nommé médecin en chef à l’hôpital de Tours. Je suis allé ensuite chez M.Kergariou et j’ai appris que, très positivement, je serai aussi nommé par le ministre ». Le 4 janvier 1815 suivant : « Husson me presse d’aller voir notre préfet, il voudrait déjà m’avoir donné son dépôt de vaccin. (…) Il prétend que Bouriat va remuer ciel et terre et que si je ne veux pas bouger il aura la place de l’hôpital et aussi le dépôt de vaccin qui est attaché à cette place. Je suis persuadé que la nomination n’est pas encore faite » (Gazette médicale du centre : Histoire et silhouettes tourangelles de la période bretonnienne, par le Dr F.Caillet).

La nomination a lieu onze jours après. C’est alors un véritable rebondissement à Tours : le ministre de l’intérieur Chaptal, via une ordonnance, supprime la place de médecin adjoint et les Dr Duperron et Bretonneau sont nommés tous les deux médecins en chef de l’Hospice général avec un traitement chacun de 900 francs. La Commission, dont les espoirs de nomination reposaient, entre autres, sur Bouriat et d’autres collègues de la Société, n’accepte cette décision et invoque la charge importante incombant à ses finances. Le ministre doit alors imposer sa volonté, si bien que nommé le 15 janvier, Bretonneau ne peut prendre son service que le 17 mars 1815 conjointement avec Duperron. «  »J’ai entrevu mon collègue », dit Bretonneau,  »c’est un bon homme. Je suis, suivant lui, un petereau. C’est une expression du cru qui signifie un rejeton. Je remplacerai toutes ces vieilles souches qui tirent à leur fin » ». (Gazette médicale du Centre)

Le 31 mars 1815, Bretonneau, devenu alors docteur en médecine et médecin chef à l’hôpital, remplace Varin et prend en charge le dépôt de vaccin de Tours. L’Etat dote le dépôt de la somme annuelle de 750 francs, dont 650 sont destinés à indemniser le directeur du dépôt. Les 100 francs restant sont destinés aux infirmiers de l’hospice des enfants trouvés. En effet, c’est grâce à ces vaccinifères humains qu’on entretient un vaccin toujours disponible pour les vaccinateurs d’Indre-et-Loire et des départements environnants. En 1811, du vaccin est fourni régulièrement à une quinzaine de vaccinateurs.
Le préfet multiplie alors les initiatives via des réglementations et les arrêtés du 4 juillet 1810 et du 12 octobre 1812 et rend la vaccination obligatoire dans les écoles et contrôle son exécution. Un mois après, le préfet établit un projet d’arrêté afin d’organiser les tournées vaccinales de façon systématique. Afin d’encourager la propagation de la vaccination, le préfet propose des indemnités :

-de 12 francs par séance pour le vaccinateur

-une gratification de un franc pour tout vaccinifère

On estime que le montant annuelle de ces charges devrait s’élever à un peu plus de 2000 francs, payables par l’Etat. Mais, cette idée est des plus déplaisantes pour l’Etat, si bien que le ministre de l’Intérieur, par sa lettre du 13 novembre 1810, affirme son opposition formelle. C’est ainsi qu’il précise au sujet des vaccinateurs : «  »Confiez cet emploi à ceux dont l’activité, le dévouement, vous sont les plus connus. Faites leur envisager la possibilité d’obtenir les places de médecins ou de chirurgiens qui viendraient à vaquer dans leur arrondissement, donnez-leur de la considération, excitez leur émulation, et vous les verrez ambitionner des fonctions qu’ils remplissent avec leur amour-propre et leur certitude » ».
Le dépôt de vaccin à Tours est réorganisé le 25 juillet 1839 par les soins du préfet M. D’Entraigues.

Les dépôts de conservation de vaccin permettent de moins rompre les chaînes vaccinales. Même s’il y a presque toujours du vaccin disponible dans les dépôts, l’existence de ces derniers ne solutionne pas les problèmes de transport du précieux fluide vaccinal…

 »’La vaccination : une généralisation difficile malgré la création d’institutions tourangelles »’

Durant notamment les quinze premières années de la vaccination, en Indre-et-Loire et dans d’autres départements, les honneurs et la considération ont été des stimulants nécessaires à la conservation, l’entretien et à la propagation de la vaccination. Cependant, passées les premières années d’enthousiasme, la question de la rémunération, de l’indemnisation des vaccinateurs refait surface et devient alors indispensable pour la poursuite de la pratique de la vaccination. En Indre-et-Loire, les premiers crédits sont alors versés aux vaccinateurs en 1811.

Le salaire est un stimulant de la pratique vaccinale. Un nombre moyen de vaccinations de 4087 par an, une subvention départementale environ de 1800 francs annuels auxquels on retranche 400 francs accordés au directeur du dépôt de vaccin pour les frais d’expédition des tubes. Cela donne une indemnité d’à peine 35 centimes par vacciné, somme médiocre qui tient au mode d’encouragement choisi. Mais qui vaccine au sein de ces comités ? Dans les comptes rendus publiés par le Comité central de vaccine sont indiqués les noms et la fonction des quatre meilleurs vaccinateurs de chaque département. Ainsi, en Indre-et-Loire, les quatre meilleurs cités sont toujours des médecins, docteurs ou officiers de santé jusqu’en 1839. De 1840 à 1860, s’ajoutent des sages-femmes, qui prennent alors le dessus entre 1861 et 1866. Ceci n’est pas étonnant !! En effet, cette période correspond à la diminution voire suppression des indemnités départementales.

La vaccination en Indre-et-Loire, à cette époque, semble être une réponse à une alerte épidémique. En Indre-et-Loire, on note deux périodes connaissant une recrudescence de la variole, chacune d’elle correspondant à un maximum de vaccinations. Il s’agit des années 1834/1842, avec en moyenne 193 varioles annuelles et 4711 vaccinations par an ; et les années 1862/1871, avec en moyenne 128 varioles annuelles et 4225 vaccinations. Entre ces deux pics épidémiques, la variole accorde au département d’Indre-et-Loire une accalmie relative d’une vingtaine d’années, au cours de laquelle les opérations de vaccine ont régressé, ne dépassant pas 50 à 55% des naissances. Ceci met donc en évidence les failles de la vaccination au XIXème siècle et les difficultés à convaincre les populations de la nécessité des actions préventives pour faire face aux maladies épidémiques. La prévention vaccinale est insuffisante exposant alors les personnes non vaccinées à la variole dès sa recrudescence. Si la vaccination devient obligatoire en 1883 dans l’armée et en 1886 pour les élèves inscrits dans les établissements publics, ce n’est qu’en 1902 qu’elle deviendra obligatoire pour tout le monde. Mais, les comités de vaccine sont peu actifs. En effet, de 1804 à 1879, le nombre moyen de vaccinations pour cent naissances en Indre-et-Loire n’est que de 53%, 38% en Indre et 69% dans le Loir-et-Cher.

Le rôle des comités de vaccine est très variable. Leurs attributions sont « trop vagues, trop mal définies et trop vastes pour avoir suscité un fonctionnement concret efficace. Ils doivent inciter les populations à se faire vacciner, encourager les médecins et toutes les bonnes volontés à pratiquer cette opération, drainer les informations statistiques, envoyer le vaccin là où il est attendu, entretenir sa source, ou du moins savoir toujours comment s’en procurer, stimuler les zèles, favoriser l’émulation (…). Travail gigantesque, confié à des personnalités pas toujours convaincues, et qui doit le plus souvent s’effectuer sans moyen. »
Le comité de la Société médicale de Tours (plus précoce que celui du préfet), tout comme celui de Châteauroux, a contribué à une importante propagande (édition de placards et de brochures) en faveur de la vaccination dans le but de la voir se généraliser.

En 1811, Tours sert de dépôt de vaccin et a pour but, en principe, d’approvisionner non seulement ce département mais aussi les départements voisins. Cependant, rien dans les archives de l’Indre ni même celle du Loir-et-Cher n’atteste que les vaccinateurs de ces départements aient fait appel au dépôt tourangeau. Ils semblent se fournir en vaccin directement auprès du Comité de vaccine de Paris et de la Commission de vaccine de l’Académie de médecine. Le responsable du dépôt de vaccin, jusqu’en 1828 au moins, bénéficie d’une somme de 400 francs accordée par le Conseil général d’Indre-et-Loire. Pierre-Fidèle Bretonneau, responsable alors du dépôt, décrit, en 1819, son rôle et travail au sein du dépôt de cette façon :
«  »J’ai distribué depuis le retour de la belle saison plus de deux cents tubes, mais malgré la précaution que j’ai toujours prise de joindre à mes envois un grand nombre de tubes vides, je n’ai pu obtenir en retour qu’un bien petit nombre de tubes chargés, et seulement de trois vaccinateurs, M.Brault fils de Beaumont-la-Ronce, M.Herpin de Veretz et M.Delanoue de Luynes. Les précautions minutieuses qu’exigent la récolte du vaccin, les obstacles qui apportent les préventions des parents, la diminution du nombre des sujets vaccinables et les inconvénients qu’il y aurait à remplir beaucoup de tubes sur le même individu rendent de plus en plus difficile l’approvisionnement du dépôt. La vaccination naturelle des enfants de l’hospice semblait devoir être un moyen d’y subvenir, mais cette vaccination se pratiquant au domicile des nourrices est au contraire une occasion fréquente d’envois qui à la vérité ont le grand avantage d’entretenir des foyers de vaccine sur plusieurs points du département ». » Bretonneau met, ici, en évidence le fait que le plus sûr garant de la régularité des vaccinations, c’est la dispersion des « foyers de vaccine », plus que la conservation en dépôts. Mais si elle est une facilité pour l’extension des opérations, cette diffusion du vaccin exclut la possibilité d’un contrôle strict des origines et des qualités du produit.

Le Comité de vaccine de Tours semble avoir imparfaitement rempli la plupart de ses tâches. Le recueil des données statistiques est effectué jusqu’en 1816, année de la mort du Dr Bouriat, après……plus rien jusqu’en 1827… En 1826, la Société médicale remet en service sa propre commission vaccinale. Il faut cependant attendre 1834 et le retour en force de la petite vérole à Tours pour que le recueil des données statistiques devienne fiable et régulier. Dans ces conditions, il est douteux que les Comités de vaccine aient pu avoir une efficacité à long terme. Mais en dépit de leur insuffisance, ils constituent cependant un modèle de référence tout au long du siècle, du moins aux yeux des administrateurs. Il en est de ces comités un peu comme de l’obligation vaccinale dans les écoles : ce sont des références obligées, même si l’on sait par ailleurs que presque rien n’est fait pour que ces entités du discours aient une existence réelle.

Cependant, en France, au XIXème siècle, l’Etat ne considère pas la vaccination comme une tâche d’intérêt général, et ne juge pas le besoin d’avoir recours à des dépenses afin de favoriser sa diffusion. Malgré les efforts des pouvoirs publics et du corps médical, l’obstacle majeur reste celui du financement et de l’administration. C’est sur l’acte gratuit des médecins que Chaptal, ministre de l’Intérieur en 1810, fonde son espoir. Les médecins sont récompensés de manière symbolique par des médailles et des félicitations officielles mais les moyens financiers manquent à la vaccination. Or, une politique de vaccination ne peut se réaliser sans moyen financier et les professionnels qui en ont la charge doivent être payés. La vaccination ne deviendra obligatoire en France qu’à partir de 1902.

Incapable d’assurer des vaccinations régulières et continues, la transmission de bras-à-bras ne protège pas infailliblement ceux qui la subissent. En effet, prélevé parfois de façon prématurée, alors qu’il n’a pas atteint sa maturité, le produit injecté ne produit souvent qu’une « fausse vaccine » qui n’empêche pas la variole. Dès 1815 au moins, des cas de variole sont repérés par les médecins chez des sujets qui avaient pourtant été vaccinés. Ces constatations remettent alors en cause la pérennité de la protection et l’inaltérabilité du vaccin. Mais les autorités médicales et sanitaires, tellement persuadées de l’infaillibilité de la méthode, nient alors ces observations et baptisent même varioloïde ce qui est bien de la variole. Il faut attendre plusieurs épidémies pour que s’effondre le « mythe ». L’idée de la revaccination est alors soumise. Elle sera admise dans son principe par la Commission centrale de vaccine, la revaccination est loin de passer aussitôt dans les faits.

Prévention vaccinale insuffisante, indemnités faibles ou inexistantes, et donc difficulté d’extension de la pratique vaccinale en Indre-et-Loire mais aussi d’autres départements, voici les failles de la vaccination et des comités de vaccine du XIXème siècle. Parallèlement, cette époque correspond aussi à une prise de conscience des mesures d’hygiène publiques ce qui aboutit, en Indre-et-Loire, par ordre du préfet, à la création de conseils d’hygiène et de salubrité le 11 mai 1849.

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