Conservation au froid et frigorifiques

Retour à Conservation du vaccin

Voir par ailleurs Société médicale d’Indre-et-Loire, comité de vaccine et dépôt de vaccin et Conservation du vaccin à l’état fluide et Vaccin animal de conserve en pulpe glycérinée et Conservation du vaccin à l’état sec et L’institut vaccinal de Tours: le vaccin du Dr Chaumier

Les instituts vaccinaux doivent récolter un vaccin virulent et le plus efficace possible mais il faut aussi que ces instituts, afin de parer à une éventuelle épidémie, aient un stock de réserve. En effet, le docteur Edmond Chaumier montre, dans son article  »«De la conservation du vaccin dans le froid au-dessous de zéro » »(revue internationale de la vaccine), l’importance d’une réserve de vaccins : «  »C’est une épidémie qui éclate et pour laquelle les pouvoirs publiques ou les médecins réclament de suite une quantité colossale de virus ; c’est aussi une panique, comme celle de France, en mars 1907, (…), qui fit arriver chez moi pendant quelques temps plus de 1000 lettres ou télégrammes par jour, lettres et télégrammes représentant des demandes quotidiennes de près de dix mille tubes de toutes grandeurs ». »

Au début, les Instituts vaccinaux devaient fournir obligatoirement un vaccin frais et virulent. En Allemagne, selon les prescriptions du conseil fédéral, il était même défendu de livrer un vaccin vieux de plus de 3 mois. L’utilisation d’appareil frigorifique, conservant le vaccin entre 5 à 12 degrés, permet alors de moins prendre en compte l’âge du vaccin. Grâce à cette conservation au froid, les Instituts vaccinaux peuvent fournir de la lymphe glycérinée virulente et pauvre en germes. D’après Blaxall et Fremlin, l’institut vaccinal de Londres se sert de ce moyen de conservation depuis 1905. Selon Chaumier, l’appareil frigorifique de cet institut conserve à 10 degrés. Camus, quant à lui, a pourvu l’institut supérieur de l’académie de médecine de Paris d’une installation frigorifique. Celle-ci se compose d’un récipient divisé en douze compartiments avec une température de 12 degrés. Le froid est produit à l’aide d’évaporation d’acide sulfureux par une machine se trouvant dans l’appareil.

L’institut vaccinal de Tours, tout comme celui de Copenhague, Christiania ou encore d’Oppeln, conserve le vaccin au frigorifique, soit dans un appareil de l’institut même, soit au frigorifique de l’abattoir. Le docteur Edmond Chaumier a recommandé en 1910 de ne conserver au frigorifique qu’un vaccin dont la virulence a été prouvée préalablement par une vaccination de lapin. Selon lui, il faut conserver d’abord la pulpe glycérinée pendant une à deux semaines à la température de la chambre, puis durant 3 à 4 semaines à la glacière à 10 degrés, jusqu’à ce que le vaccin soit exempt de germes. Enfin, on le conserve au frigorifique à 10 degrés jusqu’à son emploi. Il ne perd pas sa virulence durant deux ans. Camus, lui, ne rajoute pas de glycérine tout de suite et met directement la pulpe brute au frigorifique. Chaumier préfère mettre la glycérine avant pour des raisons pratiques afin d’être exempt de manipulations par la suite.

Le froid ne change presque pas le nombre de germes du vaccin et conserve sa virulence. Une fois sorti du frigorifique, le vaccin doit être utilisé dans un délai de 15 jours. L’utilisation du frigorifique, permettant de conserver le vaccin tout en n’altérant pas sa virulence, constitue un avantage important. Grâce à cette innovation, de grandes quantités de vaccin virulent peuvent être conservées et sont prêtes à l’emploi lors des saisons chaudes ou lors des épidémies. Les frigorifiques permettent une diminution des pertes de vaccin ayant perdu leur virulence avec le temps. Ceci a donc des répercussions économiques : les frais des instituts sont diminués. Les dépenses pour le grand nombre d’animaux à vacciner pendant l’été sont supprimées. En effet, la récolte durant cette saison, est souvent insuffisante du fait de la chaleur. Des réserves de vaccin pour l’été, faites durant la saison froide, sont donc conservées au frigorifique.

Les instituts doivent donc conserver une grande quantité de vaccins. Pour cela, la pulpe vaccinale avait pour habitude d’être conservée dans une glacière, à une température variant de 10 à 15 degrés. Cependant, après quelques mois à la glacière, les vaccins ont tout de même tendance à perdre leur virulence. Afin de remédier à cela, Chaumier soumet le vaccin à une température encore plus basse, c’est-à-dire au-dessous du point de congélation de l’eau, au-dessous de zéro. Il étudie ainsi l’action du froid intense sur la virulence du vaccin et sur les micro-organismes qu’il renferme. Dans son article «  »De la conservation du vaccin dans le froid au-dessous de zéro » » (revue internationale de la vaccine), il relate diverses expériences du même but telles que celle entreprise par Blaxall et Fremlin en janvier 1900. Leurs expériences ont été publiées dans  »Preliminary Report on the results of sustained subjection of glycerinated calf lymph to temperatures below freezing point » en juillet 1906.

Blaxall et Fremlin placent, pendant une semaine, des tubes à essai, hermétiquement scellés et contenant des échantillons de pulpe glycérinée, dans un mélange réfrigérant à base de glace et de sel marin. Etant impossible d’obtenir de façon continue une température de -9 degrés, ces tubes sont soumis à des températures variant de -9 à +10 degrés. D’autres vaccins, dits vaccins témoins et provenant des mêmes récoltes que les échantillons, sont, quant à eux, conservés à la glacière à +10 degrés.
Au bout d’une semaine, les tubes sont retirés du mélange réfrigérant et Blaxall et Fremlin procèdent alors à l’essai clinique du vaccin. Les vaccins témoins et ceux provenant du mélange réfrigérant sont inoculés sur des génisses. De bons résultats sont alors obtenus avec les deux vaccins. La virulence du vaccin semble donc conserver au-dessous de zéro.
Dans une autre expérience, Blaxall et Fremlin soumettent les échantillons de pulpes glycérinées à la température de l’air liquide, c’est-à-dire à -180 degrés. Ces échantillons sont placés dans des capsules de plomb d’une contenance de 3 cm3 environ. Ces capsules sont mises dans un vase renfermant de l’air liquide. De même que dans l’expérience décrite précédemment, des vaccins témoins sont conservés à +10 degrés dans la glacière.
Au bout de 11 semaines, les vaccins témoins et ceux placés à -180 degrés sont testés sur des génisses : tous les deux donnent les mêmes bons résultats sous forme de belles vésicules sur les génisses. La virulence du vaccin est donc conservée à -180 degrés.
Après 11 semaines de conservation des échantillons à la température de l’air liquide et après essais de ceux-ci, Blaxall et Fremlin les placent ensuite pendant 15 semaines à la glacière à +10 degrés. De même, après 105 jours de glacière, les échantillons et les vaccins témoins sont testés sur génisses. Les résultats sont alors différents : les échantillons donnent encore de bonnes vésicules alors que les témoins n’en donnent aucune ou des faibles.
Blaxall et Fremlin concluent donc à un avantage en faveur des vaccins soumis à -180 degrés.

Dans une troisième expérience et afin de renforcer leur conclusion sur l’action positive de la conservation au-dessous de zéro, Blaxall et Fremlin placent le 3 octobre 1902 du vaccin dans une chambre froide à une température à -5 degrés. 92 vaccins d’âges différents (de 16 jours à 8 mois) y sont conservés. Ils sont dans des tubes bouchés et cachetés, eux-mêmes placés dans une boîte en bois bien fermée. Des vaccins témoins emballés de la même façon, sont placés le même jour dans la glacière du laboratoire à +10 degrés.
Au bout d’un an, soit le 2 octobre 1903, les échantillons et vaccins témoins sont retirés de leur lieu de conservation. Tous les échantillons conservés à -5 degrés sont dans de bonnes conditions alors que les témoins sont un peu desséchés. Ils sont ensuite testés sur des génisses trois fois, en trois semaines. Durant ces trois semaines, ils sont conservés à la température de la chambre. Les vaccins provenant de la chambre froide donnent 91,4 % de vésicules tandis que ceux venant de la glacière n’en donnent que 16,2 %. De plus, les vésicules observées pour les échantillons de la chambre froide sont plus belles que celles obtenues par les témoins. Il faut aussi noter que les échecs observés pour les échantillons, venant de la chambre froide, ne sont obtenus qu’après séjour de 3 semaines à la température de la chambre.

Blaxall et Fremlin réalisent ensuite une quatrième expérience, conduite de la même façon que la précédente, sur 91 vaccins d’âges différents (9 jours à 13 mois). Ces vaccins sont, de même, mis dans la chambre froide et dans la glacière pendant un an. Afin d’éviter le desséchement de la pulpe placée à la glacière, chaque boîte est mise dans une boîte de fer blanc hermétiquement soudée. Au bout d’un an, les vaccins sont examinés : ceux de la chambre froide sont en bon état de même que ceux à +10 degrés qui sont peu voire pas desséchés. Les essais sur génisses ont alors lieu. La dernière inoculation ayant lieu 32 jours après retrait des échantillons de la chambre froide, ceux-ci sont placés, pendant ce temps, à la glacière à +10 degrés. Le vaccin de la chambre froide donne 98,9% de vésicules et ceux de la glacière que 41,8%. Et comme dans l’expérience précédente, les vésicules obtenues sont plus belles avec les échantillons à -5 degrés.

Ces deux séries d’expériences prouvent donc que la conservation à -5 degrés prévient la perte de virulence qui arrive habituellement quand on conserve le vaccin à +10 degrés.
Certes, le vaccin conservé au-dessous de zéro reste virulent sur la génisse mais, qu’en est-il chez l’Homme ?

Blaxall et Fremlin ont donc vérifié que cette propriété restait valable pour la vaccination humaine. Pour cela, ils placent 14 échantillons dans des tubes cachetés qu’ils mettent dans une boîte fermée hermétiquement et placée à -5 degrés pendant 4 mois et 23 jours. Puis, la virulence est testée sur génisses et elle est trouvée tout à fait normale. 19 jours plus tard, le vaccin est livré aux médecins vaccinateurs. Sur 16771 individus, 98,8% des résultats sont positifs.

D’après ces diverses expériences, la virulence est donc conservée au-dessous de zéro, mais qu’en est-il de la conservation des microbes adventices dans le vaccin soumis au froid ?
Les conclusions sont différentes en fonction des auteurs.
Selon Edmond Chaumier, dans « »La question de la vaccination à Paris ; le vaccin de l’académie » » (Gazette des maladies infantiles (1901)), le vaccin conserve plus longtemps sa virulence au froid mais il semble se purifier moins vite.
En 1900, Elgin conclut dans un travail lu devant  »The American Public Health Association » :
« La glycérine ne détruit pas les bactéries étrangères de la vaccine quand elle est conservée à zéro degré ou au-dessous »
« L’exposition continue de germes à une basse température, quand elle est constante, ne détruit pas leur activité, mais diminue légèrement leur nombre. »

De plus, le docteur F.Elgin confirme encore ce propos dans un nouveau travail: « Some facts that physicians should know in reference to vaccine and vaccination »( paper read at the semiannual meeting of the Medical and Chirurgical Faculty at Annapolis, 27-28 sept 1906. Reprinted from Maryland Medical Journal, February 1907). “ Du vaccin, dit-il, placé à -12 degrés pendant 4 ans, contient encore le Staphylococcus aureus et une culture en bouillon de 24 heures, injectée dans les veines, d’un lapin, montre qu’il est encore pathogène. » Quant à la conservation de la virulence dans le froid, Elgin est très affirmatif. Selon lui, le vaccin mis à -12 degrés durant 4 ans est encore virulent. De plus, cette pulpe vaccinale, après avoir été retirée du froid et placée à température ordinaire, conserve pendant quelques temps son activité.

Blaxall et Fremlin ne sont pas totalement d’accord à ce sujet. Ils ont réalisé des examens bactériologiques mettant en évidence que la glycérine détruit, en un an, tous les germes étrangers contenus dans le vaccin conservé aussi bien à -5 degrés qu’à +10 degrés.

Green, dans « The Influence of Temperature and some other physical conditions on calf vaccine” (The Journal of Hygiene, vol.VIII, n°4, sept.1908), de même que Elgin, a étudié l’influence de la température sur la virulence du vaccin. Pour cela, il soumet le vaccin à diverses températures de 59 à 60 degrés, 36 à 37 degrés, 10 à 15 degrés, 3 à degrés et de -3 à -4 degrés et indique alors le temps de conservation de la virulence. Les expériences de Green sont aussi décrites par le docteur Edmond Chaumier dans la revue internationale de la vaccine : « De la conservation du vaccin dans le froid au-dessous de zéro ». Green utilise différentes préparations vaccinales :

-lymphe brute exsudée correspondant à l’exsudat des vésicules comprimées par des pinces, 120 heures (5jours) après la vaccination de la génisse. Cet exsudat est conservé dans des tubes capillaires scellés. La lymphe de génisse, formant un coagulum après la récolte, seule la partie liquide est mise dans le tube capillaire pour être utilisée dans l’expérience.

-Vaccine glycérinée : une partie en poids de pulpe vaccinale (finement triturée) dans 4 parties en poids d’une solution à 50% de glycérine dans l’eau.

-Vaccine chloroformée : une partie en poids de pulpe (finement triturée) dans deux parties en poids d’eau distillée, soumise à des vapeurs de chloroforme pendant 10 à 15 minutes à 20 degrés, avec soustraction subséquente de tout le chloroforme et addition de deux parties en poids de glycérine.

-Vaccine desséchée : pulpe sèche réduite en poudre

-Vaccine lanolinée : une partie en poids de pulpe avec quatre parties en poids de lanoline.

Ces divers vaccins, récoltés sur 5 génisses, sont mis dans des tubes capillaires de verre sauf le vaccin lanoliné qui, du fait de sa consistance, est placé dans un vase à plus large ouverture. Ces vaccins sont alors soumis aux différentes températures citées précedemment, puis chaque préparation vaccinale est testée sur la génisse après 4, 8, 12, 25 et 52 semaines, pour chaque degré de température.

A la température de la glacière, c’est-à-dire de 10 à 15 degrés, au bout de 25 semaines, certains résultats sont douteux voire négatifs sur la génisse. Alors que, de 3 à 4 degrés, les vaccins, au bout de 25 semaines, sont encore assez virulents pour donner un résultat positif sur la génisse. Les résultats, à cette température, deviennent douteux au bout de 52 semaines.
De -3 à -4 degrés, au bout de 52 semaines, toutes les préparations vaccinales, sauf le vaccin en poudre, donnent des résultats positifs sur la génisse. Ces vaccins ont donc conservé leur virulence au-dessous de zéro.

En 1909, M.Kelsch étudie aussi l’influence de la température de -5 à -10 degrés sur la pulpe glycérinée. Au bout de 8 mois, la virulence est très bonne alors que les pulpes de la mêmes récolte mais conservées à la glacière ne sont plus inoculables au bout de 5 mois.

De toutes ces expériences de divers auteurs, il en résulte que le vaccin conservé au-dessous de zéro durant une longue période (6 mois, 1 an, 2 ans voire même 4 ans) est encore virulent et peut donc être utilisé en vaccination humaine.
Le froid conservant la virulence, le docteur Chaumier, à l’Institut vaccinal de Tours, s’équipe donc d’un appareil frigorifique, fonctionnant à l’acide carbonique et à l’ammoniaque, pour conserver la pulpe vaccinale glycérinée. Ce frigorifique provient de la maison franco-belge Dyle et Bacalan, crée en 1879.

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *