Conservation du vaccin à l’etat sec

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Voir par ailleurs Société médicale d’Indre-et-Loire, comité de vaccine et dépôt de vaccin et Conservation du vaccin à l’état fluide et Vaccin animal de conserve en pulpe glycérinée et Conservation au froid et frigorifiques et L’institut vaccinal de Tours: le vaccin du Dr Chaumier

La culture du vaccin animal rencontre en Europe des difficultés, surtout pendant l’été. Il faut pouvoir récolter suffisamment de vaccin, le conserver sans altérer sa virulence. Or, le problème est d’autant plus important dans les pays tropicaux où il règne presque toujours une température relativement élevée. En passant par les pointes d’ivoire aux « conserves déshydratées », le vaccin sec, appelé aussi vaccin en poudre ou pulpe desséchée, constitue un progrès dans la conservation et le transport du vaccin. Il consiste, en fait, à conserver le contenu solide des boutons à l’état sec et sous forme de poudre.

 »’1) Pointes d’ivoire et la « lance-Darke » »’

Inconvénient majeur d’altérer la composition du vaccin (de part la dessiccation), le vaccin sec constitue un avantage dans son expédition dans tous les pays. Les pointes d’ivoire ont été très utilisées en Angleterre pour conserver le vaccin d’enfant. Warlomont apprécie tout particulièrement les  »’pointes d’ivoires »’ afin de conserver le vaccin humain et animal. Selon lui, « elles constituent, à tous les égards, un mode utile pour recueillir, expédier et conserver le vaccin ». Il les décrit dans son  »traité de la vaccine et de la vaccination humaine et animale » (1883). Les pointes d’ivoire utilisées pour conserver le vaccin humain et le vaccin animal sont différentes. Ainsi, Warlomont décrit les pointes d’ivoire pour conserver le vaccin humain comme des «petites plaques taillées carrément à l’une de leurs extrémités, en pointe à l’autre, et ayant d’ordinaire 6 mm de large sur 36 mm de long ». Pour conserver le vaccin animal, « ce sont des plaques, carrées à l’une de leurs extrémités, pointues à l’autre, longues de 5 cm, larges de 6 mm, épaisses comme une carte à jouer ». L’extrémité en pointe est amincie et tranchante des deux côtés, très acérée à son bout, afin de s’en servir, si besoin, pour l’acte même de la vaccination. Selon E.Warlomont, « cette pratique est bonne en soi puisqu’elle écarte absolument les inconvénients d’instruments banaux pouvant se contaminer ; les instruments d’ivoire, toutefois, offrent l’inconvénient de ne pas permettre d’incisions nettes ».

La pustule est saisie avec une pince et on charge alors les deux faces des pointes d’ivoire de lymphe vaccinale sur une longueur de 4 à 5 mm (1 à 2 cm pour le vaccin animal). Puis, on dépose la plaque sur le fond d’une assiette retournée. La base est ainsi appuyée sur le rebord circulaire et la pointe est dirigée vers le centre de l’assiette. Du fait de cette légère déclivité, le vaccin glisse et s’accumule vers la pointe. On dessèche ensuite le vaccin présent sur les pointes à la chaleur par exposition à un soleil ardent ou au rayonnement d’un foyer donnant une chaleur de même intensité. La chaleur envoyée ne doit pas dépasser 30 à 40°centigrades. En un quart d’heure environ, le vaccin s’est desséché par l’évaporation de sa partie liquide. Selon Warlomont, le vaccin « échappe ainsi à toute macération, à la façon des conserves de légumes séchés sur des claies, et qui bravent les outrages du temps ». La pointe, si besoin, peut alors être aussitôt employée. Cependant, le vaccin a tendance à pénétrer dans l’ivoire. Pour éviter ce phénomène, l’ivoire est recouvert, au préalable, d’une couche de mucilage de gomme arabique, qu’on laisse bien sécher avant d’y appliquer le vaccin. Si une première couche de vaccin ne paraît pas suffisante, on peut, après dessiccation complète, en apposer une seconde. Si l’on veut conserver longtemps le vaccin, la partie munie de vaccin desséchée est enduite, en plus, d’une autre couche de mucilage de gomme arabique et l’on entoure le tout de papier d’étain. Le mucilage de gomme arabique fait, en fait, office de vernis ce qui permet de conserver le vaccin et de le préserver de l’influence de l’air et de ses impuretés. « Les pointes ainsi préparées, dit Warlomont, gardent en général leur efficacité pendant assez longtemps ». Pour l’expédition du vaccin sec, on pique la pointe sur une notice indiquant la manière de s’en servir. Le tout est ensuite mis dans une enveloppe et direction la poste ! Au moment de l’emploi, on dépose de l’eau tiède sur la lame d’ivoire afin de ramollir le vaccin. La plaque est ensuite appliquée sur les scarifications pratiquées au bras. Les pointes d’ivoire ont été employées en Grande Bretagne jusqu’en 1898.

M.Darke, à Londres, a inventé un petit appareil, dit la «  »’lance-Darke »’ », qu’il a fait breveter en Angleterre et en Amérique. Pour réaliser cet appareil, il s’est inspiré de la grosse aiguille de toilette à tête de verre qu’il a quelques peu modifié : l’épingle est en fer de lance et la tête de verre est plate. C’est sur cette surface plane que le vaccin est déposé et qu’on le fait sécher, comme on fait pour les pointes d’ivoire. Pour se servir de la « lance-Darke », tout comme la pointe d’ivoire, on la trempe dans de l’eau tiède afin de ramollir le vaccin. Des scarifications sont ensuite faites à la lance et on y dépose alors le vaccin. La « lance-Darke » est ensuite jetée car, pour plus de sûreté, cet instrument ne doit servir qu’à une seule personne.

 »’ 2) « Conserves déshydratées » : vaccin animal sec de conserve ou poudre vaccinale »’

 »’Vaccin sec obtenu par simple dessiccation »’

Les premières tentatives de cette méthode d’obtention d’un vaccin à l’état sec semblent avoir commencé en Italie. Le docteur Frapolli détache la pustule vaccinale dans son entier par une incision ne dépassant pas le derme et la soumet ensuite à la dessiccation ( »a priori par le vide, mais je ne trouve quasi-rien sur ce Frapolli, et rien sur l’Institut où il pouvait exercer »). La même pratique est employée par le docteur Verardini qui opère la dessiccation à l’aide de la cloche d’une machine pneumatique, sous une pression de dix à quinze millimètres de mercure. D’après lui, il peut ainsi dessécher à la fois au moins 300 pustules, et l’opération ne dure que de cinq à six jours. Puis, il réduit en poudre les boutons desséchés et l’introduit dans des tubes fermés par un tampon de ouate. Les pustules se conservant mieux à température basse, on maintient la température aux alentours de 6 à 0 degré à l’aide de la glace.

Puis, ce procédé s’est ensuite répandu. Le vaccin de Reissner («  »Ueber cine einfache methode zur aufbewahrung thierischen impsftoffs » »1881) est un vaccin animal sec. Il prépare à l’institut vaccinogène de Darmstadt une poudre vaccinale qui conserve pendant longtemps toute son efficacité. Il dessèche dans un dessiccateur à acide sulfurique de la pulpe(obtenue par raclage des pustules). Au bout de quelques jours, la dessiccation est complète. Puis on broie la pulpe desséchée au mortier en une poudre fine. Celle-ci est ensuite tamisée à travers de la mousseline et conservée dans des boîtes ou des tubes. Ce vaccin aurait conservé ses propriétés pendant sept mois. Quand on veut utiliser cette poudre, on la met dans un verre de montre avec une quantité égale d’eau glycérinée. Afin d’obtenir un mélange bien homogène, on laisse la poudre se gonfler et s’imbiber spontanément pendant 4 à 5 minutes. Puis, on brasse le tout. En 1882 et 1883, la poudre de Reissner est utilisée avec de bons résultats dans le Grand-Duché de Hesse.-Darmstadt puisque les vaccinations obtiennent 98,6%de succès.

E.Vaillard décrit différents procédés d’obtention du vaccin sec dans « Manuel pratique de la vaccination animale » (1886) : « Selon Fürst («  »Die gegenwartigen méthoden zur conservirung animaler vaccine »», 1883), la dessiccation de tout le contenu de la pustule vaccinale constitue le mode de conservation par excellence. Elle peut être pratiquée sur le chlorure de calcium (Hollande), dans le vide (Italie), avec l’acide sulfurique (Hesse-Darmstadt) ou l’anhydride phosphorique ». Fürst utilise une étuve sèche pour agir rapidement sur de grandes quantités de pulpe. Via un filet d’eau (servant « d’aspirateur »), il dirige sur le vaccin un courant d’air modérément chauffé, filtré sur de l’ouate salicyliquée et desséché sur du chlorure de calcium.

En Angleterre, Blaxall, quant à lui, dessèche la pulpe à l’exsiccateur sur l’acide sulfurique et utilise encore ce vaccin avec succès cinq mois après sa préparation.
A l’institut vaccinal belge, Wurtz met en évidence les avantages de l’emploi de la pulpe desséchée. Carini a même démontré expérimentalement la plus grande résistance des poudres vaccinales aux températures élevées.

Achalme et Phisalix ont aussi préconisé l’emploi de la pulpe desséchée dans les climats chauds. En effet, la dessiccation rapide supprime d’une part le pullulement bactérien, et d’autre part, l’action des ferments solubles intracellulaires. Mais pour obtenir ce dernier résultat, il est nécessaire d’obtenir une dessiccation complète et de conserver la matière obtenue dans des tubes scellés en raison de son hygroscopie. Achalme et Phisalix dessèche donc la pulpe vaccinale brute (obtenue par grattage des pustules de génisses) sur des assiettes poreuses dans le vide d’une trompe à eau, en présence de l’acide sulfurique. Au bout de douze heures, la dessiccation est complète et la pulpe est transformée « en substance cornée, cassante, formant des masses anfractueuses irrégulières » («  »Contribution à l’étude de la conservation du vaccin dans les pays chauds » »par Pierre Achalme et Marie Phisalix, 1909). Le produit est ensuite distribué dans des tubes à essai soit en gros morceaux soit après une pulvérisation grossière. Certains tubes sont scellés à la pression ambiante, d’autres après l’action de la trompe ayant ramené la pression à quelques millimètres de mercure. Les tubes sont conservés à une température de 37,5 à 38 degrés. La virulence se maintient alors très bien puisqu’un an après, ce vaccin sec est encore actif sur la génisse. De part leurs expériences, Achalme et Phisalix ont constaté que la conservation est meilleure en morceaux qu’en poudre (en effet, les ferments solubles sont moins libérés donc moins actifs) et elle est aussi meilleure dans le vide qu’au contact de l’air.

Le vaccin sec de l’Académie de Médecine de Paris, préparé par Camus, est obtenu par mélange d’une partie de pulpe et de trois parties de solution de gomme arabique à 10%. Ce mélange est ensuite soumis à la dessiccation.

Le vaccin sec préparé selon le procédé d’Otten, en Indonésie, est obtenu par dessiccation de la pulpe glycérinée (diluée du 1/3 au 1/10ème dans la glycérine) provenant d’un buffle. Cet animal, plus facile à manier qu’un bœuf du même poids, a une peau mince et sensible au virus vaccinal. Un seul buffle fournit la même quantité de pulpe brute que 8 à 12 génisses, ce qui en fait le vaccinifère de choix en Indonésie. La pulpe fraîchement recueillie est broyée le jour même dans le broyeur Chalybäus. La masse obtenue est placée en couche très mince sur des plaques de verre ou des demi-boîtes de Petri. La dessiccation s’opère dans le vide, sur l’acide sulfurique, à la température du laboratoire (20 degrés environ). 24 heures après, on récupère, par raclage, la substance sèche obtenue et on la pulvérise au mortier. Selon le docteur W.A.Collier, « Pour 100g de pulpe brute, on obtient après dessiccation environ 20g de poudre sèche ». Le vaccin sec est ensuite placé, à l’aide d’in entonnoir, dans des ampoules sphériques en verre au plomb et terminées par un long col de 15cm. Ces ampoules remplies sont reliées à un appareil à faire le vide et on procède à leur fermeture par fusion du col. On recouvre ensuite l’extrémité fondue d’une capsule de laque afin de protéger la pointe des divers chocs pouvant avoir lieu au cours du transport. Les ampoules sont conservées dans des emballages de carton à la température ambiante.

 »’Vaccin sec obtenu par la technique de lyophilisation »’

Les vaccins secs peuvent donc être utilisés dans les pays chauds et permet ainsi de contrer le problème de la chaîne du froid pour la conservation du vaccin. De plus, leur emploi peut même présenter des avantages dans les pays non tropicaux car il n’est pas nécessaire, comme c’est le cas pour les vaccins glycérinés, de remplacer constamment les vaccins devenus inefficaces par des nouveaux. Le procédé de lyophilisation ou cryodessiccation (dessiccation d’un produit préalablement surgelé par sublimation), inventé en 1906 à Paris par Arsène d’Arsonval et son confrère F.Bordas, permet d’améliorer la préparation du vaccin sec. Ainsi, en 1917, André Fasquelle, élève de Vaillard au Val de Grâce puis successeur de Chambon à l’institut de la vaccine à Paris, et Lucien Camus mettent alors au point la dessiccation (réalisée dans le vide à basse température) sous congélation du virus vaccinal. C’est un progrès considérable : le vaccin est sec, thermostable et susceptible d’être transporté dans un tube scellé en tous lieux en conservant son activité. On obtient ainsi un vaccin sec lyophilisé qui supplante alors le vaccin glycériné.

Ce type de vaccin sera donc considéré, plus tard, comme la forme de choix et sera utilisé par l’OMS et les différentes autorités sanitaires, afin d’éradiquer la variole. Le vaccin lyophilisé Dryvax, créé par American Home products, prédécesseur de l’entreprise pharmaceutique américaine Wyeth, sera ainsi largement produit et utilisé dès 1940. Le mode de production de ce vaccin, dit de première génération, s’inspire des pratiques vaccinales employées dès le XIXème siècle : infection d’un veau de 3 mois, inoculation à celui-ci de la vaccine par scarification, 6 jours après : grattage des pustules afin de récupérer la pulpe vaccinale…

Ce vaccin antivariolique sec contient le virus de la vaccine vivant non atténué dérivant de la souche de NY City Board of Health. Il provient de la lymphe de veau et renferme 50% de glycérine, 0.25% de phénol et des traces d’antibiotiques (néomycine, polymyxine B…), le tout exerçant un pouvoir conservateur et sans pour autant inactiver le virus de la vaccine). Ce vaccin est séché par lyophilisation et placé dans des ampoules. La forme lyophilisée du vaccin sera le procédé de choix pour l’application des campagnes d’éradication de la variole, lancées par l’OMS en 1967. En effet, c’est le plus apte à supporter efficacement les températures élevées souvent rencontrées dans ces pays où aucun système de réfrigération n’était habituellement disponible.

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