Sonnets publiés par A.F. LeDouble en 1898, dans « Heures de Convalescence » sous la rubrique « Les Juvéniles » (pages 208-209)
»’I »’
Sur des tables en fer un foetus en morceaux ;
Un corps d’homme ou de femme aux lèvres violettes,
Aux yeux grouillant de vers ; à l’écart, des cuvettes
Où nagent dans l’alcool des coupes de cerveaux
Des membres injectés, pendus près de lambeaux
D’intestins pleins de gaz, mis sur des cordelettes ;
Dans un placard grillé, de grimaçants squelettes,
Accrochés par le crâne à de larges anneaux
L’essaim peu délicat des grosses mouches vertes,
Qui viennent pour voler des parcelles de chair,
Dès le matin s’agite à flots pressés dans l’air,
Quand pour chasser l’odeur les portes sont ouvertes ;
Et le bourdonnement du hideux tourbillon
Trouble seul le silence où dort le pavillon.
»’II »’
Bientôt avec le jour montent des bruits nouveaux :
Des rires éclatants, des refrains d’opérettes ;
Ce sont les carabins qui sortent des guinguettes
Et, par groupes joyeux, rentrent à leurs travaux.
Assis autour des corps sur de heuts escabeaux,
Ils causent d’examens, de danses, d’amourettes,
Risquent des calembours, fument des cigarettes,
Et font jouer scalpels, érignes et ciseaux.
L’horreur ne dit plus rien à leur insouciance ;
Car, l’habitude aidant, l’amour de la science
A vaincu les dégoûts de leurs sens aguerris.
Ils vivent au milieu de cette pourriture ;
La mort est là pourtant, qui guette une piqûre.
De mouche venimeuse ou de leurs bistouris.
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