Quelques réflexions sur la virulence du vaccin de génisse

Chaumier, E. Quelques réflexions sur la virulence du vaccin de génisse]].
Assoc. franç. pour l’avance. d. sc. C.-r. 1894 (Caen, 23ème session); publié en 1895 ; xxiii, pt. 2, 866-869.

L’un des premiers articles (sinon le premier) qu’Edmond Chaumier consacre à la vaccine et à son Institut Vaccinal, dans lequel il donne la charge contre le vaccin frais tel qu’il est préparé à l’Institut de Vaccine Animale à Paris. Il le communique à Caen le 14 août 1894. Le fait qu’il choisisse l’Association française pour l’Avancement des Sciences n’est sans doute pas dénué de sens (comme le Concours Médical, c’est a priori plus ouvert aux « petits »). La référence abondante aux Italiens (Leoni à Rome, Florence) est sans doute en rapport avec la mission qu’il effectua l’année précédente en Italie, au départ pour étudier le rachitisme. Possible aussi, déjà, l’influence de René Boureau dans cet article très « microbiologique », puisque ce dernier est allé se former à la microbiologie à l’Institut Pasteur à la fin de l’année 1893.

Voici quelques extraits importants du texte :

« Le professeur Léoni, directeur de l’Institut vaccinal de l’Etat à Rome, a prouvé, il y a quelques années, que dans le vaccin de génisse frais on trouve un grand nombre de microbes dont plusieurs sont pathogènes (staphylocoques, entre autres). Les éruptions post-vaccinales, les inflammations érysipéloïdes, les phlegmons, les suppurations précoces et de longues durées des pustules, etc., seraient dues à ces microbes. Des recherches faites récemment en France ont pleinement confirmé la découverte du Pr. Leoni. Cette découverte aurait pu jeter le trouble parmi les vaccinateurs, si le même professeur n’avait indiqué le moyen de se débarrasser le vaccin des microbes nuisibles. Ce moyen consiste dans le vieillissement de la pulpe vaccinale. (HW : pulpe par ailleurs glycérinée) » (…)

« Il faut donc, pour employer du vaccin pur, ne se servir que de vaccin ayant au moins trois semaines de date. Le Dr Leoni ne livre aux médecins italiens que du vaccin ayant de un à quatre mois; et, comme il le dit lui-même, au vieil adage : vaccin frais, bon vaccin, il a substitué cet autre : « vaccin vieux, bon vaccin ; vaccin frais, mauvais vaccin ». Cette découverte, qui bouleversera les usages de certains instituts vaccinaux où l’on vaccine  »de génisse à bras », est appelée à rendre les plus grands services. (…) ( »on imagine la tête des Parisiens, à l’Institut de Vaccine Animale… »)

 » dans les instituts on sera moins exposé à voir se produire des cas successifs d’atténuation progressive de la virulence du vaccin, cas se terminant un beau jour par la production de pus » (…) ( »ça ressemble à du vécu… le vaccin de Chaumier semblait effrayer la Société Médicale d’Indre et Loire d’après Françoise. En quelle année était-ce ? »)

« En vaccinant des génisses avec du vaccin vieilli, la pustulation est bien plus régulière et la virulence est plus grande. J’ai pu m’en convaincre maintes fois à l’établissement vaccinal de Tours. Cet établissement, dans lequel on recueille  »’chaque année assez de vaccin pour vacciner plus d’un million de personnes »’,  »’est un vaste champ d’expériences »’. J’y ai contrôle un des résultats du Dr. Léoni, (…) »

« J’ai vacciné des enfants avec du vaccin de dates différentes, le plus ancien ayant quinze mois ».  »Voir si la durée de réalisation de cette expérience est compatible avec le délai écoulé entre son retour de mission d’Italie , lors de laquelle il aurait pu rencontrer ce Pr. Léoni, et cette communication d’août 1894 à Caen…
 »

« D’où vient cette différence dans la virulence ( »entre différents lots de vaccins, différences non expliquées par l’ancienneté du lot ») ? Voilà une question très importante ; car cette différence ne pourrait-elle pas se rencontrer également entre plusieurs échantillons de vaccin relativement frais ? » (…)

« Parfois on peut, comme je l’ai indiqué  »’dans un mémoire que j’ai adressé à l’Académie de Médecine »’ ( »quand ? »), diagnostiquer ce défaut de virulence soit sur l’animal, soit pendant la préparation de la pulpe glycérinée ; mais, dans un grand nombre de cas, aucun symptôme ne vient éclairer le diagnostic. Aussi est-il bon de prendre des précautions à ce sujet, sans quoi l’établissement vaccinal s’expose à livrer aux vaccinateurs du vaccin qui produira des insuccès ; et cela est très grave pour les revaccinations (…) »

« Les précautions à prendre sont très simples :  »’il suffit d’éprouver sur l’enfant la virulence du vaccin »’ de chaque animal avant de le livrer aux vaccinateurs. Cette épreuve se fait déjà dans certains instituts,  »’notamment à Florence »’. » (…)

« Comme conclusions, je dirais : la vaccination de génisse à bras doit être écartée comme dangereuse. (…) La pulpe glycérinée doit être seule employée (…) Les établissements vaccinogènes ne doivent expédier cette pulpe qu’après s’être assurés sur l’enfant qu’elle a un haut degré de virulence. (…) Le vaccin, soit qu’on l’ait broyé au mortier, soit qu’on l’ait réduit en pulpe homogène à l’aide d’un appareil quelconque, devra être conservé dans des flacons bien bouchés. Les tubes ne devront être emplis qu’au fur et à mesure des besoins, et toujours après s’être assuré du degré de virulence.

« L’établissement de Tours, que j’ai  »’fondé en même temps qu’un dispensaire d’enfants »’,  »’afin que le revenu du premier fasse vivre le second »’, a adopté la manière de faire que je viens d’exposer, et maintenant il est tout à fait exceptionnel que le vaccin qu’on y prépare donne des insuccès, et il est tout à fait impossible qu’il soit la source d’accidents. »

Confirmation qu’il y avait bien des accidents auparavant, dont la description clinique est d’ailleurs donnée en début de texte… Beaucoup plus intéressant, présentation d’un « business model » tout à fait étonnant entre l’établissement vaccinal et le dispensaire (business model dans lequel il faut aussi intégrer les Religieuses de la Providence de la Pommeraye…). Cercle « vertueux » : les enfants servent de cobaye pour le bien collectif et pour que cette oeuvre sociale qu’est le dispensaire continue à fonctionner… On peut supposer que les revenus ont rapidement dépassé les besoins… Dommage que ce business model n’ait pas pu servir au sanatorium… (à moins que ça ait été envisagé avec la distribution d’une spécialité pharmaceutique à base de créosotal et que Brissonnet n’ait pas marché dans la combine…).

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