Créosote

La  »’créosote »’ a été découverte en 1832 par un chimiste de Blansko, en Moravie, Karl von Reichenbach (1788-1869). En manipulant de l’acide pyroligneux et du goudron de bois, le savant tchèque remarqua que la peau de ses doigts se desséchait et que son épiderme s’enlevait par lambeaux. À la substance nouvelle qu’il venait de découvrir et capable d’exercer sur la chair une action anti-putride et momifiante, il donna le nom de créosote ou créasote, C24H16O4.

Reichenbach obtenait la créosote en distillant du bois de hêtre. Après en avoir extrait l’huile de goudron, il dissout le produit obtenu dans de la potasse caustique, le porte à ébullition, et le re-distille six fois. Après cette dernière distillation, la créosote n’est pas encore vraiment pure, mais elle peut être utilisée pour un usage médical.
Lorsqu’on met de la créosote en contact avec du blanc d’œuf, l’ensemble coagule. Reichenbach va mettre à profit cette propriété en montrant qu’au contact du sérum ou d’un caillot sanguin, la créosote coagule instantanément l’albumine du sang.

Les premières observations de Reichenbach sur les vertus médicinales de la créosote ne furent pas accueillies favorablement par les médecins viennois. Seules deux observations sur 25 se rapportent au traitement des douleurs dentaires. Appliquée à l’intérieur de la dent, la créosote offrait une alternative particulièrement intéressante pour calmer les douleurs de la nécrose pulpaire. Ce soulagement était dû au pouvoir de coagulation de l’albumine du sang, et en conséquence, de l’albumine des tissus nécrosés du nerf dentaire.

Difficile à fabriquer et pratiquement introuvable au début de son introduction en France, la créosote sera finalement distillée en grandes quantités vers la fin de l’année 1833. On pouvait la trouver à Choisy, chez le fabricant d’acide pyroligneux Lemire, et à Paris, chez les pharmaciens Billard et Duclou. Lemire avait réussi à fabriquer six livres environ de créosote à partir de 800 livres de goudron, chiffres qui montrent combien l’élaboration du ce nouveau médicament était compliquée !

Le célèbre médecin français François Joseph Victor Broussais (1772-1838), qui souffrait d’une dent cariée, eut recours aux soins du dentiste Louis Nicolas Regnart (1780-1847), 32 rue Dauphine, à Paris. Ce dernier appliqua directement sur la carie de la créosote pure, et cela pendant deux ou trois minutes. Broussais ressentit tout d’abord une vive sensation de chaleur, puis la douleur cessa subitement.

En 1835, J. F. Frémanger, chirurgien-major du 2ème régiment d’artillerie, publiait un mémoire sur la valeur thérapeutique de la créosote dans les armées. Sur cinquante patients atteints de caries dentaires, Frémanger avait réussi à obtenir 50% de guérisons. Mise en contact avec  » une portion d’os ramollie « , c’est-à-dire avec la carie proprement dite, la créosote  » se combine avec les sels calcaires et forme une combinaison nouvelle  » . Pour obtenir de bons résultats, il fallait que la carie ait été parfaitement nettoyée et séchée. La créosote pouvait être appliquée, pure, sur toutes les surfaces carieuses de la dent, à l’aide d’un pinceau, ou en y laissant séjourner pendant une journée, un coton imprégné de créosote. Après deux ou trois applications successives, le dentiste pouvait l’obturer avec l’alliage de Darcet.
Les irritations gingivales, les ulcérations des gencives ou de la muqueuse buccale, pouvaient être calmées par des gargarismes, composés d’eau distillée ( 2 onces) et de créosote pure ( 4 gouttes).

On trouve de la créosote dans la formule de l’Eau Odontalgique du Docteur O’Méara. Un brevet d’invention lui fut accordé le 16 septembre 1836, ainsi qu’une addition, le 31 juillet 1837. Plus de cent ans plus tard, l’Eau du Docteur. O’Méara figure encore dans L’officine, Répertoire général de Pharmacie Pratique, de Dorvault.
La créosote était donc devenue un remède commun, largement utilisé par les dentistes ambulants du XIXe siècle.

La créosote : moyen thérapeutique pour traiter les phtisies.
Les médecins avaient observé depuis fort longtemps que les phtisies pulmonaires s’amélioraient, ou guérissaient, lorsque le goudron, réduit à l’état de vapeurs, était inhalé. Dans un manuscrit datant du 18 avril 1836, le médecin Théodore Junod, n° 3 rue des Petits Augustins, écrivait  » qu’il est probable qu’on doit attribuer la rareté des phthysies dans les ports de mer et l’amélioration de leur état par des voyages sur mer. Dans ces deux circonstances l’air respiré contient une assez grande proportion de goudron réduit à l’état de vapeur « . Quelques médecins eurent alors l’idée d’administrer des vapeurs de goudron en les faisant chauffer dans des vases en fer. Mais ils se heurtèrent aux difficultés liées à la production en continu de ces vapeurs. Théodore Junod imagina alors un moyen plus simple, qui consistait à mettre de la créosote dans un flacon bouché à l’émeri, de le glisser entre les mains du malade atteint de phtisie, pour qu’il puisse le garder près de son lit.  » L’odeur qui s’en exhale « , disait Junod,  » même sans ôter le bouchon, est assez forte pour remplir les intentions du médecin dans les cas où il veut ménager l’irritabilité des poumons et, lorsqu’il voudra augmenter l’intensité de cette vapeur, il suffira d’augmenter progressivement la dose de créosote « . De temps à autre, on pouvait aussi  » répandre une ou plusieurs gouttes de créosote sur un morceau de linge, de manière à proportionner à volonté ses effets « . Moyen simple, qui va rendre de grands services au cours du XIXe et de la première moitié du XXe siècle dans le traitement des tuberculoses pulmonaires.

La créosote perdra ensuite peu à peu sa place dans la pharmacopée médicale et dentaire, notamment lorsqu’en 1861 Boboeuf découvrit le phénate de soude ou phénol. Cette substance, qui n’était pas caustique, fut largement utilisée dans les hôpitaux lorsque Joseph Lister introduisit l’antiseptie dans la pratique médicale.

Références

(1) K. von REICHENBACH,  » Sur la créosote « , Journal de Chimie Médicale, Pharmaceutique et Toxicologique, Abstract Schweigger Seidel, neuem Jahrbuch, VI & VII, 1833, vol. IX, pp. 617-620.
Les médecins français connaissaient bien les recherches que Reichenbach avaient menées sur l’eupione, la paraffine, le picamare et le pittakal.
(2) K. von REICHENBACH,  » De la créosote et de ses propriétés thérapeutiques « , Bulletin général de Thérapeutique Médicale, 1833, vol. V, pp. 205-211.
(3) J. F. FRÉMANGER, Recherches et observations sur la créosote, Edition Verronnais, Metz, 1835. Voir aussi : FRÉMANGER,  » Nouveaux faits relatifs à l’action de la créosote et à sa valeur thérapeutique « , Bulletin général de Thérapeutique Médicale, 1835, vol. VIII, pp. 268-270.
Site: http://www.bium.univ-paris5.fr/sfhad/vol6/article09.htm

Substance chimique extraite des résidus de combustion du bois (sorte de goudron), utilisée dans de nombreuses maladies telles que la fièvre typhoïde, et surtout la tuberculose. Son odeur est très caractéristique (je n’arrive pas à vous en charger un échantillon sur le Wiki, les limites de l’informatique…!)

Le formulaire thérapeutique de Lyon et Loiseau (1908) précise qu’il existe deux variétés de créosote : la créosote de houille provenant de la distillation du coaltar (utilisée uniquement pour le traitement de la carie dentaire, voir http://www.bium.univ-paris5.fr/sfhad/vol6/article09.htm) et la créosote de hêtre, réservée exclusivement pour l’usage interne. La créosote officinale est la partie de la créosote de hêtre qui passe à la distillation entre +195° et +220°. Le formulaire précise en outre ses propriétés physiques et chimiques, les incompatibilités, la toxicologie, les propriétés et indications thérapeutiques, les formes pharmaceutiques et la posologie.

Ce même formulaire énonce ensuite les différents composés de créosote :

– carbonate de créosote, ou créosotal

– phosphate de créosote ou phosote

– phosphite de créosote ou phosphotal

– tannate de créosote ou créosal

– tannophosphate de créosote ou taphosote

– valérianate de créosote ou éosote

Voir aussi http://www.1911encyclopedia.org/Creasote_Creosote

Deux ouvrages en ligne sur Gallica, l’un d’Albert Pégurier publié en 1901, « Traitement rationnel de la tuberculose pulmonaire et de ses modalités cliniques » http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56238903 qui soutient l’usage du carbonate de créosote ou créosotal et parle de phosote et de taphosote, et l’autre d’Albert-Faron Plicqué, publié en 1906 « Traitement de la tuberculose » http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57739546, soutient le tannophosphate.

Un article du Dr. Nize dans Pro Medico en 1931 célèbre « Le centenaire de la médication créosotée » (t. 8, n°2, p43-44). Isolée en 1830 par Reichenbach qui l’introduit dans la thérapeutique de la tuberculose. Une autre date importante est celle de 1877 lorsque Bouchard et Gimbert montrèrent que « ses insuccès et dangers étaient dus à de mauvais modes d’administration et à la défectuosité des préparations employées. L’article fait référence à Grancher et Albert Robin, qui font autorité sur le sujet.

Edmond Chaumier semble avoir beaucoup travaillé sur le carbonate de créosote ou créosotal, apparemment moins toxique sur le plan digestif. Il semble que le créosotal ait été découvert en 1891 par Holscher, chimiste principal de la maison Heyden, de Radebens. Il fut ensuite apparemment importé sur Tours par Jules Brissonnet en 1892 et utilisé par Chaumier (il se vante d’être le premier à avoir travaillée sur le carbonate et le benzoate de créosote et dit que son mémoire du congrès de Pau est le premier travail sur la question)
Chaumier cite égalment le docteur Triaire de Tours qui aurait expérimenté le creosotal sur sa propre clientèle pour son compte.

Voir aussi les publications de René Boureau, celles de Jules Brissonnet (dans BU Médecine TOURS)

Le Nouveau formulaire des spécialités pharmaceutiques pour 1901 de M. Gautier et F. Renault http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5833431m.r=cr%C3%A9osotal+SIMB.langFR, ne mentionne que deux sources de créosotal, le créosotal Heyden, en capsules de 25 cg, et le créosotal Simb en capsules de 50 cg, en émulsion au 1/5 et sous forme liquide. Une publicité pour ce créosotal Simb (sous ces mêmes trois formes) apparaît en page II du n°1 (tome 1) de la Gazette médicale du Centre en novembre 1896… Impossible de trouver à quoi correspond Simb (nom d’un pharmacien ?) ; on sait juste que c’était 13, boulevard Haussmann à Paris. Lien avec Brissonnet ?

En 1908, on trouve beaucoup plus de spécialités de capsules au créosotal : Capsules de créosotal Friant, Capsules de créosotal Heyden, Capsules de créosotal Simb, Capsules de créosotal Solirène, Capsules de créosotal Vigier.

Les Produits Lambiotte produisaient et vendaient des spécialités commerciales à base de créosote (Perles Taphosote, Phosote, Créosoforme, Thiosote) ; Jean Lichtenberger était leur ingénieur.

Source possible d’informations : « Le Moniteur Scientifique, journal des sciences pures et appliquées à l’usage des chimistes, des pharmaciens et des manufacturiers »

Deux ouvrages parlant de la créoste et datant de 1894 :
– Traitement de la tuberculose par la créosote. Ouvrage couronné par l’Institut. Par Charles Burlureaux
– Etude de la créosote du hêtre et de quelqu’uns de ses dérivés. Thèse de Pierre Ballard (1868-).

Le docteur Edmond Chaumier cite dans un de ces articles trois mémoires qui ont été publiés par des médecins étrangers sur le créosotal:

– M. Fernand Lafond (1866-), élève du professeur agrégé Albert Robin, qui a recueilli les observations dans le service de son maître à l’hopital de la Pitié et qui en a fait sa thèse intitulée: Recherches sur le traitement médicamenteux de la tuberculose pulmoniare (créosote, carbonate de créosote, tannins, huile camphrée) et soutenue le 22 juillet 1893.

– Docteur Wilcox, professeur de clinique médicale et de thérapeutique à The New-York Post Graduate Medical Scool and Hospital, a publié un article à  »The Lenox Medical Society » le 12 février 1894 sous le titre:  » » A new method of administering creosote » »

– Le professeur William Gottheil, medecin de l’hôpital Lebanon à New york publie dans  »The Medical Time and Registrer » un article titré:  »An Improved Creosote preparation in the treatment of pulmonary disease », le 17 février 1894

– Un des assistants du professeur Rummo de Pise quia publié un article sur les dérivés de la créosote dans la  »Riforma Medica » du 22 septembre 1893

Dans un autre article le Docteur Chaumier cite deux études écrites par Brissonnet qui parlent du créosotal mais au point de vue chimique (Je vais essayer de les avoir).

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